Vos parents ne sont plus vos parents
de Marie-France et Emmanuel Ballet de Coquereaumont
Pour vous, je résume ce livre en quelques lignes pour vous donner les principaux messages de cet ouvrage très bien écrit.
Bonne lecture …
Historiquement, la relation parents/enfants est dissymétrique et hiérarchique. Continuer de la voir ainsi c’est poursuivre une perception mystifiée de l’enfant, de la fonction parentale et de la famille. Dans l’histoire collective, la représentation parentale a la vie dure. Mais le deuil de la fonction parentale est inévitable.
« L’être humain préfère naturellement fuir certaines réalités confrontantes et/ou douloureuses pour maintenir un statu quo au sein de son système familial d’origine. Le détachement d’avec ses figures parentales appelle un abandon de certaines convictions héritées. »
« Cette fonction parentale a mobilisé tellement d’énergie et de sentiments pendant 20 ou 30 ans ! Elle est tissée d’enjeux et de projections puissants, dont beaucoup sont inconscients et intimement liés à notre histoire transgénérationnelle. Ce rôle a structuré notre vie et influencé nos décisions. Il est reconnu et valorisé par la société. La fin de cette fonction peut être difficile à vivre et susciter des sentiments de perte d’identité, d’inutilité, de nostalgie du temps où nous étions indispensables. » Ces ressentis sont déjà problématiques. Ils dénotent une forte identification à une fonction, à un rôle qui, pensé et vécu comme « indispensable », risque, un jour ou l’autre, de placer le parent dans une position figée.
« L’image de la famille idéale, comme celle du parent, souffre la plupart du temps d’une forte idéalisation. Elle est le vecteur essentiel d’un ordre établi interdisant d’éclairer le dysfonctionnement familial. »
« Plus une personne a été privée sur le plan émotionnel, plus fort est son lien fantasmatique. »
« Plus une personne a été abandonnée, plus elle tend à se cramponner à sa famille et à ses parents et à les idéaliser. »
Proverbe du Québec : « 2 choses que les parents doivent offrir à leurs enfants : les racines et les ailes. »
Être parent est une fonction à durée déterminée = il est très important de s’y préparer.
« Le respect de l’équité et de la réciprocité est le ciment de toute relation proche. »
L’enfant se sent presque toujours redevable vis-à-vis de son parent = il aura toujours une dette. Mais « si l’amour reçu est à rendre, quelle personne pensez-vous être aux yeux de celui ou celle qui réclame un retour sur investissement ? »
L’enfant sacrifie naturellement une part de son intégrité pour ne pas compromettre l’amour : celui qu’il donne et celui qu’il reçoit. Il est tiraillé. Jesper Juul explique comment cette tension existentielle perdure en chacun : « le conflit entre la sauvegarde de notre propre intégrité et la coopération avec ce que veulent les autres constitue le dilemme central de notre vie » = il faut en permanence s’adapter ou non aux besoins, désirs, demandes, envies des autres en fonction de nos propres besoins, désirs, demandes, envies.
3 types de réactions psychologiques :
- La réaction projective : l’adulte projette sur l’enfant son propre contenu inconscient. L’enfant devient le véhicule et la représentation de ce contenu. L’enfant est vu comme mauvais et coupable puisqu’il réveille les pulsions de l’adulte.
- La réaction rétroversive : l’enfant est un substitut pour combler et réparer affectivement l’adulte.
- La réaction empathique : les besoins et les spécificités de l’enfant sont reconnus et l’adulte agit dans le sens de leurs satisfactions.
« La dette éternelle de gratitude par rapport à la chance inouïe d’avoir eu de si merveilleux parents » est une épine dans le pied pour nombre de personnes. Elle les empêche d’assumer la pleine et entière responsabilité de la vie qu’elles portent en elles.
« Un parent ne donne pas la vie à un enfant ; c’est la vie elle-même qui s’invite à travers l’enfant. Qu’il soutienne cette vie, ou l’entrave, le parent est face à un être unique et spécifique. Mettre fin à la fonction parentale est nécessaire. Cela évite de se fourvoyer en croyant que l’enfant est redevable. Vous pouvez avoir de la gratitude – ou pas – vis-à-vis de vos parents, cela ne change rien. Vos parents ont créé une vie dont vous êtes seul dépositaire. Le seul don, c’est celui que vous allez vous offrir en embellissant votre existence. »
« L’ex-enfant ne doit rien de manière automatique à son ex-parent. Il est seul juge pour évaluer, en accord avec sa vérité intérieure, ce qu’il a envie de partager avec son ex-parent. L’enfant n’appartient pas à son parent. »
Percevoir son enfant tel qu’il est, un enseignant en amour, est, pour le parent, le meilleur moyen de se détacher de son propre passé et des schémas d’une parentalité déficiente.
L’autonomie et la maturité favorisent le réajustement relationnel et s’appuient sur le lien purgé de toute peur (peur de décevoir, de ne plus être aimé, d’être déloyal…)
Il y aurait environ une personne sur deux qui vit l’attachement à son parent de manière anxieuse et insécurisante !
L’attachement, qu’il soit amoureux, filial ou parental, peut représenter une base de sécurité, promouvoir l’ouverture, tout comme il peut devenir enfermement, dépendance.
L’ex-enfant peut avoir différentes peurs vis-à-vis de son ex-parent : peur de décevoir, de trahir, d’être déloyal… A l’âge adulte, l’ex-enfant et l’ex-parent doivent se rencontrer dans un lien où la peur n’a plus sa place.
Oblativité parentale = la fonction parentale se définit par un amour sans faille et désintéressé.
La parentalité ne peut être réduite à des enjeux éducatifs car elle risque de se rigidifier et de déliter le lien. Elle implique de respecter la liberté et l’altérité de l’enfant. Cela implique un réajustement constant pour être à sa juste place et la parentalité se sait limitée !!
« Considérer la vulnérabilité du lien replace l’humanité au cœur de toute relation. »
« La mystification parentale instaure le parent à vie alors que penser la fonction parentale avec une échéance dans le temps a clairement un impact positif sur les capacités de transformation de l’ex-parent et l’ex-enfant. »
La pensée magique du type : « Il/Elle va changer, va bien se rendre compte que… » est omniprésente. Mais pourquoi voudriez-vous que les relations évoluent miraculeusement ? Si vous prenez le train Paris-Marseille, vous arriverez inévitablement à Marseille. Une relation figée – par des fonctions, des règles et des échanges cadenassés – engendre toujours, à quelques détails près, le même résultat.
Grandir, c’est se résoudre à affronter sa peur de son parent » (ou de son enfant).
Une saine culpabilité agit comme un directeur de conscience. Elle permet de reconnaître ses erreurs et d’en apprendre un peu plus sur soi. Elle incite aussi à l’action et au changement pour défendre sa valeur personnelle et son intégrité. A l’inverse, la culpabilité toxique renvoie à l’inaction et une auto-flagellation inutile qui fait souffrir mais ne change en rien l’état des choses.
« On ne guérit pas son enfant intérieur mais la relation à son enfant intérieur. » Idem pour son passé. L’enfant intérieur est le Moi constitué de l’enfant blessé ET l’enfant doué.
« Signifier à un enfant qu’il doit faire plaisir à ses parents pour mériter l’amour est traumatisant. »
L’enfant adapté a adopté une stratégie de survie par rapport à des manques, blessures, rejets, abandons… Plusieurs façons de réagir en tant qu’adulte quand on a été un enfant adapté : la régression, la futurisation, la dissociation, le monologue intérieur, les hallucinations, la spiritualisation.
Les méta-stratégies sont la soumission, l’évitement, la dépendance, le contrôle et le pouvoir.
La suradaptation d’un enfant est l’expression de l’adaptabilité et l’intelligence de l’enfant qui lui permettent de survivre. Cette suradaptation survit souvent à l’âge adulte alors qu’elle n’a plus lieue d’être = comportement inadapté au nouveau contexte.
Quand un parent est mort et que l’enfant ressent une loyauté forte et aliénante, proposer d’écrire le « pacte » morbide qui le relie à son ou ses parent(s) puis lui proposer d’écrire une nouvelle alliance avec lui/eux. Différencier l’aspiration du/des parent(s) et celle de la personne qui en est prisonnière.
L’adulte infantilisé
Il est destiné à remplir une fonction pour le reste de sa famille = ça lui interdit une existence propre et hérite souvent de vécus non digérés par ses parents et/ou ses aïeux. Il est un éternel enfant encerclé dans une prison aux murs invisibles (ex : Tanguy). La prison est émotionnelle et une part de la vivance de l’individu est comprimée avec. Ca fait partie des loyautés destructrices.
L’adulte infantilisé est maintenu dans une dépendance vis-à-vis de son parent. La dépendance de l’éternel enfant naît du pouvoir, de la dépendance, de la sujétion.
- Le pouvoir : le parent garde l’ascendant sur ses enfants = autorité qui impose une relation dissymétrique et hiérarchique.
- La dépendance : elle peut être affective, morale, intellectuelle, financière.
- La sujétion : l’ex-enfant se soumet à l’autorité ou aux indications de son parent pour des aspects essentiels de sa vie.
L’ex-enfant infantilisé reste assujetti à la fonction parentale dont il est convaincu des bienfaits.
« Une cohabitation prolongée avec son parent ne favorise pas l’évolution des règles familiales et des frontières individuelles. »
« La part d’amour absente entre un parent et son enfant demeure à vie. Aucune relation, ni aucun lien ne peuvent recréer ce qui n’a pas été. Cette tentative de réparation enferme le jeune adulte dans un état de dépendance vaine et sans issue ou dans une pseudo-autonomie. »
Parfois, certains adultes infantilisés désinvestissent toute relation affective, cultivent une forme de distance neutre ou rationnelle dissimulant leur sentiment d’abandon ; ils s’enferment dans une pseudo-autonomie.
« Les individus enfermés dans des fonctions et des rôles rigidifiés ne peuvent pas puiser dans leurs incroyables ressources pour éprouver la joie d’être à la fois autonomes et alliés aux membres de leur famille. »
Différentes facettes de l’éternel enfant adapté : le décideur, le protecteur, le médiateur, le contrôlant, le confident/partenaire, le soignant, le bouc émissaire, le parfait.
Souvent, les rapports hiérarchisés incluent une notion de dette et de mérite.
- Fixer une durée raisonnable à la présence de l’ex-enfant sous le toit parental
- Fixer un accord financier prenant en compte les objectifs et obligations de chaque partie
- Respecter les besoins d’intimité de chacun et convenir de temps de partage
L’adulte parentifié
C’est une inversion des rôles. C’est l’enfant adapté en nous qui répond à la demande de l’enfant adapté de notre parent = l’enfant compense chez son parent des besoins affectifs non comblés dans l’enfance de ce dernier. L’enfant est consacré à réparer son parent.
Beaucoup d’adultes parentifiés ne mesurent pas la situation anormale que représentent ce lien particulier et les impacts négatifs dans leur vie.
« L’emprise affective piégeant l’adulte parentifié est souvent confondue avec le devoir filial sain et l’entraide familiale. »
Pour que le soutien responsable d’un adulte envers son ex-parent soit acceptable, il faut :
- qu’il soit considéré et pleinement reconnu comme un service et non comme une obligation
- qu’il soit partagé avec d’autres membres de la famille
- qu’il soit relayé, en fonction des cas, par des professionnels compétents qui vont ainsi préserver la relation ex-enfant/ex-parent
- qu’il soit limité dans le temps
- qu’il soit vécu dans le respect des besoins et limites de chacun.
3 ingrédients parentifiants :
- l’emprise affective = c’est l’enfant puis l’ex-enfant qui doit offrir sécurité et confiance à son parent
- la pseudo-gratification = c’est l’enfant puis l’ex-enfant qui doit être parfait, ce qui valorise son parent (la personne passe donc à côté d’elle-même)
- la grandiosité = c’est l’enfant puis l’ex-enfant qui est surinvesti d’une valeur grandiose et doit y répondre au détriment de lui-même.
Dans les familles les plus dysfonctionnelles, les liens du sang sont survalorisés à l’extrême pour masquer la pauvreté des liens affectifs.
Le détachement sécurisant de ses parents permet la connexion à soi-même.
Sortir de la loyauté (invisible) est souvent douloureux mais salvatrice pour la relation à venir. L’individuation est l’exercice de sa responsabilité et sa liberté en se sachant imparfait = travail de toute une vie parfois. On grandit toujours.
Le deuil d’un parent peut engendrer 2 comportements différents :
- l’ex-enfant devient son propre parent et le deuil du parent est possible
- l’adulte erre comme un éternel enfant en attente de ce qui n’a pas été et s’épuise sur le chemin du deuil non résolu.
2 attitudes dans le deuil non résolu :
- la personne reste accrochée à son parent décédé
- la personne s’éloigne comme si cette mort est un non-événement
Parfois, le deuil non résolu devient une mission familiale qu’une personne de la famille porte.
Grandir est un deuil ; c’est traverser des phases de détestation de soi, de fuite ou de rejet autant que d’accepter de se reconnaître, s’estimer ou s’unifier.
Beaucoup d’ex-enfants veulent réparer ou sauver leur ex-parent. Ca peut se traduire par du refoulement, du déni, de l’inhibition, de l’irritabilité, de la victimisation, du contrôle, de la domination.
L’enfant et l’ex-enfant croit inconsciemment ou pas pouvoir délivrer son parent ou ex-parent de ses souffrances = symbiose délétère. Et le parent peut aussi croire inconsciemment qu’il va être délivré par son enfant.
Le pardon peut rééquilibrer un temps la relation mais ne résout pas les tensions intrapsychiques sur le long terme. Le pardon peut contribuer à une situation homéostatique voire même être très toxique.
« La répétition des schémas, de génération en génération, n’est possible qu’à cause du secret. »
La restitution de la violence vécue est libératrice et peut se faire de différentes manières (lettres, échanges, objets symboliques…) ; c’est un excellent moyen de lutter contre la répétition des violences éducatives. Sinon, trop souvent, répétition des schémas de violence.
La dernière mission du parent est d’accueillir la vérité intérieure de son ex-enfant sans chercher à rejeter, rationaliser, minimiser, justifier ou la prendre en charge. Il s’agit d’accueillir, simplement, pour pacifier la relation.
En devenant son propre parent, on prend soin de son enfant intérieur = clarification dans les différentes relations, apaisement émotionnel et ouverture possible et sereine envers les autres.
Devenir adulte, c’est devenir orphelin de père et de mère pour prendre l’entière responsabilité de sa vie et de ne plus vivre l’histoire officielle défendue par son système familial, à savoir que chaque adulte reste l’enfant de son parent ; c’est à la fois douloureux et libérateur.
5 dimensions du lien :
- le lien de filiation = besoin d’appartenir à une famille, une histoire même s’il n’y a pas de lien biologique. L’enfant grandit grâce au récit de ses origines. En sachant d’où l’on vient, on peut partir à la découverte d’autres univers.
- le lien éthique = le don/la dette. Donner, recevoir, rendre structurent les liens et créent des loyautés. Attention à l’ex-enfant qui se sent perpétuellement en dette par rapport à son parent.
- le lien moral = transmission des valeurs et des représentations familiales. C’est un besoin fondamental de cohérence entre actes et paroles.
- le lien d’appartenance = rituels communs. L’appartenance est un besoin et un sentiment. Les rites consolident la connivence et la complicité.
- le lien ontologique = reconnaissance de la singularité de chacun, accepter des différences et le départ de chacun comme processus positif.
ou épreuve de la décision
Schéma de vie à l’âge adulte : départ initiation ou épreuve de la différenciation
retour ou épreuve de la désalliance (pour créer de nouvelles règles)
Les archétypes sociaux sont très puissants ; l’enfant et le parent peuvent rester « hypnotiser » par des fantasmes délétères (ex : un enfant doit le respect éternel à son parent).
« Préoccupé par le fait d’être un bon parent, l’individu s’enferme dans sa mission parentale. Il porte le masque qui fait bien les choses en dissimulant ses doutes, ses limites et ses erreurs. Face au masque parental, l’enfant s’habitue aussi à mettre un masque, celui de l’enfant gentil et obéissant ou méchant et infernal. Il intègre que les attitudes mensongères sont préférables à la vérité. Il demeure une image, celle d’un enfant rêvé, fantasmé. »
Se détacher des figures parentales et filiales permet l’expérience d’une véritable maturité du lien.
« La responsabilité fait peur. Elle confronte inévitablement à la solitude existentielle, parfois à des sentiments de honte, de culpabilité et d’impuissance. »
Lorsque, dans une famille, la compassion, la responsabilité et la liberté accompagnent les échanges, les liens sont profonds et les règles familiales flexibles.
Nos droits
- Le droit à l’erreur. L’enfant a besoin de parents authentiques qui reconnaissent leurs erreurs et mobilisent leurs ressources pour modifier ce qui n’est pas juste dans le lien. L’enfant a aussi le droit à l’erreur. « Nous n’avons pas la responsabilité de veiller à ce que nos enfants ne commettent aucune erreur. Nous avons en revanche la responsabilité de leur permettre d’en faire ; s’ils n’en font pas, ils ne pourront pas apprendre ».L’erreur est un élément clé de l’apprentissage : « il faut se planter pour germer ! »
- Le droit d’affirmer son ressenti. C’est aussi essentiel.
- Le droit de s’indigner. Par rapport à la violence notamment. La nommer pour la dépasser.
- Le droit de retrait de l’ex-enfant par rapport à son ex-parent. C’est parfois très salutaire. On peut avoir besoin de temps de digestion émotionnelle pour éviter de rejouer les mêmes scénarios, prendre le temps de la réflexion pour sentir ce qui est fondamental dans le lien et imaginer une nouvelle relation.
- Le droit de démissionner de sa fonction parentale ou filiale. Ce n’est pas un acte d’abandon mais une libération des liens. Un ex-parent mature et bienveillant se réjouit de voir son ex-enfant heureux sans lui. Et inversement. Les retrouvailles n’en seront plus que légères et plus libres.
- Le droit de se réactualiser. C’est recontextualiser pour éviter de fixer des images désuètes de l’un ou l’autre et ça permet de se désidentifier à des rôles passés.
Les grands-parents n’ont pas le rôle d’éduquer.
« Demeurer parent donne un sens que certains ont du mal à trouver dans leur vie en dehors de ce rôle. »